Friday, March 18, 2022
Crise du papier : « Le Covid n’est pas le fond de l’affaire »
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Dans un communiqué publié en février, Intergraf tirait la sonnette d’alarme. « La pénurie de papier aggravée par les grèves en cours dans les papeteries du nord de l’Europe menace l’activité des imprimeurs et de leurs clients : 40% du papier nécessaire à partir de la mi-février pourrait ne pas être livré ».
Explications avec Paul-Antoine Lacour, délégué général de la Copacel, l’organisation professionnelle représentant les entreprises françaises produisant du papier, du carton et de la pâte de cellulose.

Paul-Antoine Lacour,
délégué général de la Copacel
Difficultés d’approvisionnement, hausse des coûts, livraisons aléatoires : les imprimeurs sont aujourd’hui confrontés à une « crise du papier » de très forte ampleur. Quels en sont les ressorts ?
Deux phénomènes distincts expliquent cette crise : une modification de l’équilibre entre l’offre et la demande et des coûts de production démultipliés chez les papetiers.
Depuis le milieu des années 2000, 2007 exactement, la consommation de papiers graphiques en Europe est en baisse. Presse, bureautique, communication : tous les secteurs sont touchés, à des rythmes différents, mais la réduction est bien réelle, année après année. Chez les papetiers, la rentabilité de l’outil industriel est donc devenue problématique, avec des taux de charge qui sont descendus en dessous des 80 %, ce qui a entraîné la fermeture de machines pour éviter les surcapacités. Avec un rythme de fermeture qui s’est intensifié ces trois dernières années.
Face à cette offre en baisse est arrivé le rebond de l’activité économique en 2021, ce qui a mécaniquement engendré ce « pincement » sur un marché devenu un temps sous-capacitaire par rapport à une reprise inédite liée au ralentissement de la pandémie mondiale.
Mais il ne faut pas se tromper dans l’analyse, le Covid n’est pas le fond de l’affaire. Cette tendance de fond de notre industrie, qui voit des capacités en papiers graphiques disparaître, est amorcée depuis plusieurs années et n’a pas été motivée par la pandémie mais bien par une tendance baissière et constante de la consommation des papiers graphiques en Europe.
Deux phénomènes distincts expliquent cette crise : une modification de l’équilibre entre l’offre et la demande et des coûts de production démultipliés chez les papetiers.
| Et impossible de faire marche arrière ?
C’est une évolution structurelle forte de notre marché. Les papetiers ont pris la décision de convertir leurs capacités en papiers graphiques pour produire des papiers de spécialités ou du carton bien avant le Covid. Ces transformations coûtent des millions d’euros, il n’est donc pas envisageable de faire marche arrière.
| S’est ajoutée à cela la hausse des coûts de l’énergie, ce qui a compliqué d’autant la situation.
Les coûts de production des papetiers ont en effet augmenté de façon très conséquente à cause de la hausse démentielle du prix de l’énergie que l’on a pu observer, notamment durant l’été 2021. Mais une autre hausse, propre au secteur papetier, a également contribué à augmenter les prix des papiers, c’est celle de la pâte à papier qui a atteint des niveaux très élevés, du fait de manque de capacités face à une demande mondiale qui était bonne. La Chine est sortie du Covid avant l’Europe, suivie des États-Unis. Aujourd’hui, les prix restent hauts.
Le marché n’échappe pas non plus à la crise du marché du fret : la mécanique du commerce international maritime est complètement grippée, les délais de livraison s’allongent et le coût des transports augmente.
Le marché n’échappe pas non plus à la crise du marché du fret : la mécanique du commerce international maritime est complètement grippée, les délais de livraison s’allongent et le coût des transports augmente.
| Dans un communiqué, Intergraph s’est émue de cette situation, craignant que cette crise incite éditeurs et annonceurs à se tourner définitivement vers le numérique. Qu’en pensez-vous ?
De nouvelles capacités de production de pâte à papier sont annoncées pour 2023. Concernant maintenant cette crainte que le monde de la communication bascule définitivement du côté du digital, je reste confiant. L’impact du numérique sur la planète a aujourd’hui largement infusé auprès du grand public, le papier a donc, selon moi, encore toute sa place dans nos vies.
Propos recueillis par Cécile Jarry
Cette interview a été réalisée avant le déclenchement de la guerre en Ukraine. Elle fera l’objet d’une actualisation après la conférence de presse organisée par la Copacel le mercredi 23 mars.
